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[ Antoine ]

VERSION FRANÇAISE

Je m’appelle Antoine Le Cozannet, j’ai 22 ans et je suis étudiant en master d'histoire à la Sorbonne à Paris. Je suis originaire d’une petite commune des Côtes-d’Armor, Minihy-Tréguier. Je vais tenter ici de vous parler de mon échange Erasmus en Italie.

Le 14 septembre 2018 je quittais ma chère Bretagne en direction de Bologne en Italie. J’étais très excité à l’idée de rencontrer de nouvelles personnes, de vivre et d’étudier dans un pays étranger mais dans le même temps un peu effrayé par cet inconnu pourtant si proche. J’avais souhaité réaliser cet échange dans un pays de l’Union Européenne car à mon sens c’est un espace encore trop peu connu par nous-mêmes, citoyens européens, et dont nous devons prendre pleinement conscience. J'ai choisi durant cette année d'échange de me jeter dans le grand bain, comme on dit, tous mes cours étaient en italien. Je n’avais qu'un A2 et les quelques mots que je pouvais aligner ne pouvaient m'être utiles pendant un cours d'histoire de l'art du Moyen-Âge par exemple. Les deux premiers mois ont été compliqués mais au fur et à mesure de l’écoute prolongée et de l’écriture, mon vocabulaire s'est rapidement amélioré. Le fait d'avoir des colocataires italiens a beaucoup aidé aussi. Malheureusement je n'ai pas pratiqué beaucoup depuis mon retour mais je pense qu’un niveau C1-C2 ne serait pas mentir.

Le résultat de cette année d’échange fut plus qu’à la hauteur de mes exigences. J’ai vécu une expérience sociale, scolaire et culinaire que je ne suis pas prêt d’oublier. Bologne est une ville très ouverte, étudiante hétéroclite où se croisent de nombreux étudiants européens. C’est une ville résolument tournée vers l’Europe et le monde. Il y règne un climat de liberté intense, surtout pour un jeune gay comme moi. Je n'imaginais pas vraiment rencontrer ce genre d'environnement en Italie. J’étais parti avec quelques a priori concernant l’acceptation de l'homosexualité. La ville constituait presque comme un cocon dans un pays que j'ai perçu comme très conservateur. Je me souviens que plusieurs marches et congrès pour la famille avaient été organisés dans une ville pas très loin. Ce qui détonait avec le discours d’ouverture prôné dans Bologne. Un des premiers soirs, je suis sorti avec des amis, j'ai demandé au barman qui me servait un verre de spritz où je pouvais trouver un bar gay ou tout endroit de la sorte. Il m'a répondu stricto sensu « Ma cosa dici ! Tutta la città è gay qui ! » que toute la ville est gay ici. Les échanges y sont faciles et j’ai pu participer à des stages de théâtre réunissant, à peu près, toutes les nationalités de l’Union. J’habitais dans une colocation de six personnes de trois nationalités différentes : français, espagnols et italiens. Ce mixage m’a énormément plu et m’a donné le goût des échanges. J’aimerais, si j'en la possibilité, repartir à l’étranger dans les années qui viennent. Cette opportunité devrait être proposée à tous ! La rencontre entre citoyens européens qui ne partagent peut-être pas la même vision de l'Europe est indispensable, ne serait-ce que pour débattre. Mon Erasmus à Bologne en a été l’occasion. Je pense que ça a été une façon de me confronter directement à des réalités différentes de la mienne et j’ai beaucoup aimé ! Aujourd’hui je candidate dans les relations internationales et je pense que cet échange a énormément joué dans ce sens. Les Italiens que j'ai pu connaître sont étaient sociables, ce sont des beaux parleurs ont peut le dire ! Ils vivaient dehors tout le temps et avaient à cœur de faire vivre leur façon de vivre, leur gastronomie et leur joie de vivre.

Le principal problème auquel j'ai dû faire face c'est le logement. Bologne est devenue une ville très internationale et certains propriétaires et agences en profitent pour augmenter leurs prix quand ils savent d'où l'on vient. J’ai dû personnellement me rendre là-bas pour visiter des colocations et certains appartements étaient vraiment en mauvais état pour un prix très élevé. Une autre difficulté qui a pu émerger au départ a été l'entre-soi, entre membres d'une même nationalité. L'arrivée dans un pays étranger est toujours très stressante et le repli sur une valeur sûre peut paraître plus simple. Ça a été mon cas le premier mois quand je ne parlais pas encore bien l’italien mais nombre d’étudiants s’en sont contentés pendant toute l'année. Je pense que l'expérience d'échange n'est pas du tout la même.

En 2019 ont eu lieu les dernières élections européennes, j’étais alors en Italie et malheureusement je n'ai pas pu voter. Ce qui m’a frustré d'autant que je souhaitais vraiment y participer. Cela m'a questionné sur la possibilité des jeunes à voter à l’étranger pendant leur échange. Je ne sais pas vraiment comment ça se passe pour les autres européens à ce moment-là mais une solution pourrait être trouvée pour faciliter l'accès au vote. Ces élections étaient le moment parfait pour confronter nos visions de l’Union européenne. Nous avons beaucoup débattu avec mes amis italiens et allemands. Ils avaient des avis très différents sur ce qu’est l’Union Européenne aujourd’hui et leur place en son sein. Les Italiens se sentaient davantage mis de côté, acteurs secondaires, ou laissés pour compte dans ce que je qualifie de scandale migratoire. Les Allemands eux avaient conscience de l’image que peut avoir leur pays et s'en excusaient. Ils ne voulaient pas incarner l’archétype de donneur de leçons qui peut leur coller à la peau. Nos débats étaient aussi l’occasion de briser les clichés ou de les confirmer au contraire. Entre nous, les Italiens parlent beaucoup avec les mains ah ah ah !

L’année dernière, je suis parti faire du woofing (volontariat dans une ferme biologique) chez des amis en Angleterre. Nous avons évidement débattu du Brexit et échangé nos visons de l’Europe. Mon ami était favorable au Brexit car il refusait l'idée d'une Europe qui détruirait les particularités de chacun des pays, de chacune des régions de l'Union. Je peux lui répondre après cette expérience italienne que non. Des différences existent et existeront toujours entre chaque pays de l’Union. Reste à nous de les cultiver. Ce même cocon dont je parlais précédemment a pu occulter la réalité d'une vie complètement différente. J’ai adoré mon échange en Italie mais je ne pense pas qu’une telle expérience soit possible autrement. Je m’explique, tout est fait pour laisser de bons souvenirs à l’étudiant, bourses, fêtes, rencontres … Mais en se penchant sur le cas de mes amis italiens j'ai découvert un système universitaire très sclérosé, très cher aussi. Pas ou peu d’aides du gouvernement italien pour pouvoir se loger ou étudier, une précarité plus importante en somme. Donc je pense que c'est à nous, jeunesse dorée Erasmus de creuser un peu plus loin pour ne pas seulement devenir des « consommateurs d’expériences Erasmus » mais aussi bien des acteurs. Pourquoi ne pas encourager les étudiants à prendre davantage part dans la vie sociale et associative dans leur pays d’accueil ? C'est sûrement très prétentieux de ma part. Mais au fond, les étudiants qui reviennent d’un semestre ou deux d'échange connaissaient-ils mieux qu’avant le pays qui les a hébergé ? C’est ça selon moi qui manque dans l'Union Européenne, c'est la connaissance de l’autre et de sa réalité quotidienne. Une chose qui me semble importante à dire ici aussi, c’est la richesse des contacts que j'ai gardé avec toutes les personnes venant des quatre coins de l’Europe. Nous avons prévu quand cela sera possible de faire un évènement post-Erasmus dans le sud de l'Italie, sûrement en Sicile où mon ex-colocataire réside d'habitude. C'est aussi une façon de donner une continuité à ce beau projet. L’Europe ce n'est pas seulement un an d’échange mais notre avenir à tous et en commun ! Alors, si vous aussi vous osiez ?

 

ENGLISH VERSION (translation by Lucy COOPER)


I’m Antoine Le Cozannet, I’m 22 and I’m a master’s student in history at the Sorbonne in Paris. I’m originally from a small hamlet in Côtes-d’Armor, Minihy-Tréguier. Here, I’m going to attempt to talk to you about my Erasmus exchange in Italy.

On the 14th September 2018, I left my beloved Brittany in the direction of Bologna in Italy. I was very excited at the idea of meeting new people, to live and to study in a foreign country but at the same time a little nervous for the unknown that was ahead. I wished to do this exchange in an EU country because in my opinion, it’s a space which, as European citizens, we do not know enough about, that we should be fully aware of. During the exchange year, I chose to throw myself in at the deep end, you’d probably say, as all my classes were in Italian. I was only at an A2 level, and the few words that I could string together weren’t particularly useful in a History of Art in the Middle Ages class, for example. The first two months were complicated, but as things progressed because of long periods of listening and writing, my vocabulary rapidly improved. The fact that I had Italian flatmates helped a lot too. Unfortunately, I haven’t practiced Italian since I came home, but I think to describe my Italian as a C1-C2 level wouldn’t be a lie.

The result of the exchange year went above and beyond my wildest dreams. I had a social, educational and culinary experience that I’m not ready to forget. Bologna is a very open city, with a mixture of native and numerous European students. It’s a city that’s resolutely aligned with both Europe and the world. A climate of intense liberty rules there, especially for a young gay person like me. I didn’t really envisage this kind of environment in Italy. I left with some preconceptions concerning the acceptance of homosexuality there. The city almost seemed like a cocoon in a country that I perceived to be very conservative. I remember multiple marches congresses had been organised in a town not very far away, which clashed with the discourse of openness advocated in Bologna. One of the first nights that I went out with friends, I asked the barman who was serving me a glass of spritz where I could find a gay bar, or a place of the sort. He responded strictly, saying, ‘Ma cosa dici ! Tutta la città è gay qui !’, that all the town is gay here. Exchanges there are easy, and I was able to participate in theatre experience, uniting almost all nationalities of the EU. I lived in a flatshare of six people of three different nationalities: French, Spanish and Italian. I enjoyed this mix of people enormously, and it gave me a taste for cultural exchanges. I’d like, if I’m able, to once again move abroad in years to come. This opportunity should be offered to all! Meeting with European citizens who perhaps don’t share the same view of Europe is incredibly important, if only for debate. My Erasmus year in Bologna has been an opportunity for me. I think that it’s been a way to confront myself directly with realities that are different to mine and I really enjoyed it. Today I’m applying to the field of international relations and I think that the exchange has played an enormous role in this sense. The Italians that I’ve been able to meet have been sociable, and they’re wonderful speakers, you could say! They live outside all the time and have the heart to live their way of life, with their gastronomy and their joie de vivre.

The main problem that I had to face was accommodation. Bologna has become a very international city and certain landlords and agencies profit from it by increasing their prices when they know where you’re from. I personally had to visit flat shares and apartments in a very bad states for a high price. Another difficulty which emerged at the start was mingling, even with people of the same nationality. Arriving in a foreign country is always very stressful and falling back on a safe bet may seem simpler. That was my case the first month when I didn’t speak Italian very well, but a number of students were happy with that for the whole year. I think that the experience of the exchange in that case is not at all the same.


In 2019, the last European elections took place when I was in Italy and unfortunately couldn’t vote. What frustrated me was how much I wanted to participate. I don’t really know what happened with other Europeans at that point, but a solution must be found to facilitate the vote. These elections were the perfect moment to directly confront our visions of the European Union. We debated a lot about it with our Italian and German friends. They had very different opinions on what the European Union is today and their place within it. The Italians felt at first left to the side, second choice, or left to deal with what I call the migration scandal. The Germans were aware of the image we can have of their country and apologised. They didn’t want to embody the archetype of lesson giver which can be branded to their skin. Our debates were also an opportunity to break clichés or confirm them. Between us, Italians do talk a lot with their hands!


Last year, I travelled to do WOOFing (volunteering on an organic farm) with some friends in England. We obviously debated Brexit. My friend was a supporter of Brexit because he refused the idea of a Europe which destroyed the individual quirks of each country, of each region of the Union. After my Italian experience, I can now tell him that, no, this is not the case. Differences will always exist between each country of the EU. It is up to us to cultivate them.

The same cocoon that I talked about before has hidden us from a completely different way of life. I loved my exchange in Italy, but I don’t think that such an experience would be possible in another way. To explain: everything is done to give the student good memories: bursaries, parties, meet-ups… But to put myself into the shoes of my Italian friends, I discovered a university system that was very stuck in its ways, and also very expensive. There was zero or little help from the Italian government to be able to live or study, which offers little security. Therefore, I think that it’s for us, young graduates of the Erasmus programme, to go a bit further and not only become ‘consumers of Erasmus experiences’ but also to act on them. Why not now encourage students to take part in both the social and organisational life of their destination country? It’s seems certainly very arrogant on my part. But, to put it simply, do students who come back from a semester or two’s exchange now know more about the country that they went to? In my opinion, it’s this that the EU lacks, the knowledge of others and their daily reality.

Another thing that seems important for me to say here as well is the wealth of contacts that I’ve kept with people coming from all four corners of Europe. We hope that (when possible) we’ll do a post-Erasmus event in the south of Italy, certainly in Sicily or where my ex-flatmate normally lives. It’s also a way to give continuity to this beautiful project. Europe is not only an exchange but all of our futures! So, do you also dare yourself to take the plunge?

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